Société
Au Kenya, les pêcheurs à la mouche veulent ouvrir les portes de leur «paradis»
Sa mouche promptement fixée à la ligne, John Ngaii Moses enjambe les rochers, pose ses pieds dans l’eau puis fait onduler sa canne à pêche au-dessus des eaux cristallines de la rivière Mathioya, qui descend du massif des Aberdare, dans le centre du Kenya.
Chapeau marron à larges bords vissé sur la tête, ce sexagénaire kényan qui assure malicieusement pouvoir «attacher une mouche de nuit, sans lumière» fait figure d’exception dans un pays où la pêche récréative n’est pas répandue. Elle y est même parfois regardée avec méfiance, considérée comme un vestige de l’ère coloniale.
Le Kenya occupe pourtant une place particulière dans le monde de la pêche à la mouche. On y trouve l’un des plus anciens clubs d’Afrique et son industrie de fabrication de mouches fournit depuis plusieurs décennies des appâts faits à la main aux pêcheurs de Norvège comme de Nouvelle-Zélande.
Les poissons n’attirent pas autant que les grands félins des savanes, mais certains passionnés viennent des quatre coins du monde pêcher dans les rivières et les lacs de montagne, où les Britanniques ont introduit la truite au début des années 1900.
A deux heures de route au nord de la capitale Nairobi, la région où la Mathioya rencontre la chaîne des Aberdare est un paradis de pêche où paissent également rhinocéros noirs et éléphants.
Des appâts artificiels devenus des références
«Imaginez passer la matinée (…) à pêcher et l’après-midi à faire des photos d’animaux sauvages. Où pouvez-vous trouver ça ?, lance Zac Gichane, propriétaire d’un complexe hôtelier surplombant la rivière qui organise des parties de pêche. C’est le paradis. A deux heures de Nairobi, vous trouvez des rivières aux eaux cristallines, un village paisible, de la verdure… Les opportunités ici sont illimitées.»
Pour lui, la pêche à la mouche, et les milliards de dollars de son économie, ne demande qu’à être développée au Kenya. Zac Gichane se fournit en mouches de pêche auprès d’artisans kényans, dont les créations délicates et élaborées sont devenues une référence.
Ces appâts artificiels – certains si petits qu’ils tiennent sur le bout des doigts – imitent les insectes dont se régalent truites, saumons et autres poissons de rivière.
Les données sont rares mais certaines estimations suggèrent qu’une mouche sur trois utilisée en Europe vient du Kenya. Des millions d’autres sont expédiées vers les Etats-Unis, le Canada et d’autres marchés de pêche majeurs.
«C’est une filière importante au Kenya. Elle emploie beaucoup de gens», souligne John Nyapola, qui dirige l’entreprise Ojoo Fishing Flies Designers.
Dans son petit atelier non loin de Nairobi, plumes de flamants roses, poils de lapin et diverses fourrures et tissus parsèment une table, où les commandes personnalisées venant du Canada, d’Australie ou du Japon sont assemblées à la main.
Un millier de modèles
«Woolly Bugger», «Copper John», «Irresistible Adams» et autres noms fantasques se succèdent dans le catalogue de l’atelier qui compte pas moins d’un millier de modèles.
«Nous les avons toutes fabriquées», affirme Jane Auma, monteuse de mouches de 32 ans d’expérience. Elle pratique la pêche «mais pas à la mouche». «On utilise des filets, on prend tout ce qu’on peut», rigole-t-elle.
Les Kényans pêchent pour se nourrir et quand ils voient les pêcheurs à la mouche remettre à l’eau les poissons qu’ils attrapent – pour éviter la surpêche –, c’est pour eux «une folie», souligne M. Gichane.
Cette pratique de pêche sportive est aussi dédaignée comme une activité héritée de l’ancienne puissance coloniale dans cette région qui a longtemps été un foyer de résistance aux Britanniques et en a subi les représailles.
Avant l’indépendance en 1963 et même encore après, de nombreux Kényans n’auraient jamais osé se montrer avec une canne à pêche, raconte Zac Gichane.
«Ils pensent que la pêche sportive est pour les “mzungu” [les blancs], pas pour les Africains», explique John Ngaii Moses, lui-même né dans un camp d’internement britannique et aujourd’hui guide de pêche.
Repeupler la rivière en truites
Etablissement privé vieux de 102 ans sur la Mathioya, le Kenya Fly Fishers’Club a élargi son public, avec de plus en plus de Kényans et a élu son premier président noir en 2018.
«Les temps changent, c’est aussi le cas pour la pêche à la mouche. En ce moment, nous avons beaucoup de Kényans indigènes qui pêchent. Je suis l’un d’entre eux», explique Musa Ibrahim, administrateur et membre du club depuis vingt ans.
L’organisation travaille avec les écoles locales pour initier les enfants à la pêche à la mouche et à son rôle pour la protection de l’environnement, à travers le repeuplement de la Mathioya en truites notamment.
Le Kenya était autrefois sillonné par 2 000 kilomètres de rivières préservées pour la pêche à la truite, mais la conversion rapide de terres – pour des usages agricoles notamment – a divisé ce patrimoine par dix, souligne Musa Ibrahim, en rappelant : «C’est à nous de transmettre cet héritage à la prochaine génération.»
Société
Afghanistan : 33 morts en trois jours dans des inondations
Au moins 33 personnes ont péri depuis vendredi dans des inondations et crues subites en Afghanistan, a annoncé dimanche un responsable du Département de la gestion des catastrophes naturelles. Une vingtaine des 34 provinces afghanes enregistre actuellement un niveau élevé de précipitations, y compris la province de Kaboul.
«D’après les premières informations, depuis vendredi, des crues subites ont provoqué de lourdes pertes humaines et financières», a déclaré le porte-parole Janan Sayeq. «Trente-trois personnes sont mortes et 27 ont été blessées». La plupart des décès sont imputables à la chute de toitures, a-t-il précisé.
Les précipitations ont par ailleurs entraîné la destruction totale ou partielle de près de 600 maisons et ont détruit 580 kilomètres de routes. Près de 800 hectares de terres agricoles ont été submergés et 200 têtes de bétail tuées, a ajouté le porte-parole.
Bouleversements climatiques
Ces inondations touchent quasiment toutes les régions en ce printemps, période traditionnelle de pluies en Afghanistan. Les prévisions pour la semaine à venir font état de davantage de pluies dans le pays, notamment dans les provinces de Kaboul ou de Ghazni (centre-est), Nangarhar (est) ou Kandahar (sud).
Quelque 60 personnes avaient été tuées après de fortes précipitations lors des trois dernières semaines de mars dans le pays. L’Afghanistan a connu un hiver très sec et est très touché par les bouleversements climatiques.
Selon les scientifiques, ce pays ravagé par quatre décennies de guerre et qui figure parmi les plus pauvres du monde, est aussi l’un des plus mal préparés pour faire face aux conséquences du changement climatique.
Avec AFP
Société
Brésil : 20 migrants haïtiens présumés retrouvés morts sur un bateau
Vingt corps qui seraient ceux de migrants haïtiens ont été retrouvés dans une embarcation sur un fleuve du nord du Brésil, dans un état de décomposition avancée et présentant des signes de déshydratation et de faim, a indiqué samedi la police.
Des pêcheurs ont alerté les autorités après avoir remarqué l’embarcation dérivant près de la ville de Braganca, sur la côte nord du Brésil, dans l’État du Para, a indiqué à l’AFP un porte-parole de la police fédérale, précisant que l’enquête devrait confirmer le nombre exact de victimes et leur identité.
«Selon la police civile et les experts médico-légaux, il y avait 20 corps. Le chef de la police fédérale de Braganca, Alexandre Calvinho, a dit qu’il s’agirait de réfugiés haïtiens», a indiqué la police dans un communiqué. Les victimes «seraient mortes de faim et de déshydratation, mais des analyses complémentaires sont nécessaires», est-il ajouté. Une enquête a été ouverte par le bureau du procureur.
«Ça fait beaucoup de cadavres»
Le site d’information G1 a publié une vidéo attribuée à l’un des pêcheurs, montrant un bateau en bois à la peinture bleu délavée flottant dans des eaux peu profondes et un homme dire: «Ça fait beaucoup de cadavres». Braganca est située à plus de 3500 km d’Haïti, en proie depuis plusieurs mois à une grave crise humanitaire et sécuritaire.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a alerté ce mois-ci que la situation provoquait un large exode. «Pour la plupart des Haïtiens, la perspective d’une migration régulière reste un obstacle insurmontable, laissant la migration irrégulière comme seul semblant d’espoir», a indiqué l’OIM ces derniers jours.
Selon l’OIM, quelques 360’000 haïtiens ont été déplacés à l’intérieur du pays, dont «un grand nombre à plusieurs reprises», et quelque 13’000 migrants illégaux ont été renvoyés de force en mars par les pays voisins.
Avec AFP